jeudi 19 juin 2014

La politique économique gouvernementale est illisible

Le gouvernement Valls soutient-il massivement l’offre à travers le pacte de responsabilité ? Appuie-t-il en même temps sur l’accélérateur de la consommation et de l’investissement résidentiel ? Met-t-il au contraire le cap sur la résorption du déficit au détriment des producteurs et des consommateurs ? En affirmant courir tous les lièvres à la fois, c’est bien la lisibilité et la cohérence de la politique gouvernementale qui en fait les frais. Soutient-il tout d’abord l’offre ? Oui si l’on prend les masses en jeu du CICE et du pacte de responsabilité. 30 milliards de baisse de charge sur le travail. Mais en privilégiant plutôt le bas de la distribution des salaires, les secteurs moteurs de la croissance de l’emploi et de la productivité que sont les services BtoB à forte intensité intellectuelle sont pour l’essentiel en dehors de la cible. Seule la baisse de 1,8 point des cotisations famille pour tous les salariés gagnant jusqu’à 3,5 fois le SMIC mordra réellement sur les secteurs intensifs en emploi qualifié. Cette mesure est évaluée à 4,5 milliards d’euros, mais elle ne sera mise en œuvre qu’à partir de 2016. Il faut y ajouter la suppression de la surtaxe sur l’IS toujours pour 2016 et un début de réforme de l’IS promis pour 2017. Soutient-t-il la demande maintenant ? Oui si l’on en croît la communication du gouvernement. Mais là encore les effets d’annonce sont démentis par les faits. Car 2014 constitue une année de forte hausse de la fiscalité des ménages, entre la majoration de la TVA en début d’année, l’abaissement du quotient familial, et la montée en puissance de la fiscalité écologique. En tout 10 milliards de prélèvements supplémentaires sur les ménages. Les économies budgétaires de 15 milliards en 2014 et de 21 milliards supplémentaires en 2015 affectent de leur côté directement le pouvoir d’achat des fonctionnaires et des inactifs et entament directement la composante socialisée de la consommation. La ponction de ces mesures sur le potentiel de consommation des ménages est au total de 1,7% en 2014 puis de 1,4% supplémentaire en 2015. Face à cela, le récent milliard de réduction d’impôt à destination des ménages les plus modestes ne représente que + 0,07% des dépenses privées et socialisées des ménages, une goutte d’eau. Pour être juste, il faut ajouter qu’en concentrant les baisses de charges sur les bas salaires, le gouvernement soutient aussi la consommation. Encore faut-il que les créations de petits jobs promises par les économistes dans le commerce, la restauration, la construction, les services à la personne soit à la hauteur des attentes. Sa politique de soutien à l’investissement logement est à nouveau emblématique de la confusion gouvernementale. L’essentiel a été accès sur le soutien à la demande, notamment à travers le contrôle des loyers de la loi ALUR. Idem pour le dispositif Duflot même s’il est un peu moins avantageux que le Scellier. Sauf que ces deux dispositifs découragent dans le même temps la construction et que du côté des mises en chantier, c’est la dégringolade : casser l’offre en soutenant la demande, c’est pour l’heure le bilan le plus tangible de la politique gouvernementale, derrière laquelle on peut craindre une grave erreur de diagnostic. En jouant à la fois offre et demande, au détriment de la cohérence c’est finalement la croissance qui en pâtit et l’objectif de déficit qui devient hors de portée. A la décharge du gouvernement néanmoins, si les pays européens les mieux portant appuyaient sur l’accélérateur de la demande pour offrir une bouffée d’oxygène à ceux qui sont au prise avec les besoin d’ajustement structurel les plus aigus, peut-être le gouvernement serait-il moins enclin à appuyer sur toutes les manettes à la fois. Olivier Passet, La politique économique gouvernementale est illisible, une vidéo Xerfi Canal

mardi 17 juin 2014

Le FMI pointe les freins à la croissance américaine

L'institution anticipe une hausse du PIB de 2 % en 2014, contre 2,8 % auparavant. Et appelle la Fed à la prudence La directrice du FMI, Christine Lagarde, et le président Barack Obama, à Hawaï en 2011. CHRIS CARLSON/AP Le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse, lundi 16 juin, sa prévision de croissance pour les Etats-Unis en 2014, la portant de 2,8 % à 2 %, et il ne croit pas au retour du plein-emploi dans ce pays avant la fin 2017. Dans ce contexte, sa directrice générale, Christine Lagarde, plaide pour " une normalisation progressive des taux d'intérêt ", une façon d'inviter la Réserve fédérale américaine à prendre son temps avant de relever lesdits taux. Cette révision du PIB, faite dans le cadre de la revue annuelle de l'économie américaine, intervient trois mois seulement après la publication du rapport de printemps du FMI sur les " Perspectives économiques mondiales ". Il s'explique par le mauvais chiffre de la croissance au premier trimestre, qui est lié non seulement au froid polaire ayant sévi aux Etats-Unis cet hiver, mais aussi à la diminution des stocks des entreprises, à l'état du marché immobilier et à un ralentissement de la demande adressé à l'économie américaine. Faible productivité Ce trou d'air est jugé " temporaire " par l'organisation internationale qui maintient sa prévision à 3 % pour 2015. Compte tenu des derniers chiffres, plutôt bons, de l'emploi et de la production industrielle, le FMI pense que la croissance devrait rebondir dès le deuxième trimestre 2014 et atteindre en 2015 le niveau de 3 %, soit la plus forte progression du PIB américain depuis 2005. S'ils soulignent le dynamisme de l'emploi, les économistes du Fonds mentionnent aussi le niveau élevé du chômage de longue durée, difficile à entamer, et la stagnation des salaires. La croissance potentielle – de long terme – a été revue à la baisse à 2 %, bien en dessous de sa moyenne historique de 3 % environ, du fait notamment du vieillissement de la population et d'une faible productivité. Autant de " bonnes raisons ", estime le FMI, pour continuer à soutenir l'économie et pour prendre des mesures destinées à accroître la productivité, à encourager l'innovation, à augmenter le capital physique et humain ainsi que le taux d'activité. Les Etats-Unis sont aussi invités à investir dans leurs infrastructures et dans l'éducation et à améliorer l'architecture de leur système fiscal. Ces propositions de réformes sont partagées, pour l'essentiel, par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a rendu public, vendredi 13 juin, son dernier rapport sur l'économie américaine. Mme Lagarde insiste sur la nécessité pour les Etats-Unis de créer plus d'emplois et d'avoir une croissance plus dynamique pour pouvoir réduire la pauvreté qui touche presque 50 millions d'Américains et dont le taux reste bloqué au-dessus de 15 % malgré la reprise. Le FMI prend position en faveur de politiques sociales très critiquées par l'opposition républicaine. Il fait valoir que l'extension récente de Medicaid et l'augmentation des couvertures santé ont été de premières étapes et que leurs effets sur la pauvreté et la santé deviendront de plus en plus manifestes au fil du temps. Au chapitre des dispositifs supplémentaires de réduction des inégalités, la directrice générale suggère d'étendre le bénéfice de la prime pour l'emploi à de nouveaux publics, comme les ménages pauvres sans enfants. De même propose-t-elle d'augmenter le salaire minimum qui représente seulement 38 % du salaire médian, soit l'une des proportions les plus basses des trente-quatre pays membres de l'OCDE. Le FMI a revu à la baisse ses prévisions de chômage et ne croit plus au retour du plein-emploi aux Etats-Unis avant la fin 2017. De ce fait et parce que l'inflation devrait se maintenir en dessous de 2 %, il préconise une " normalisation progressive des taux d'intérêt ", qui sont actuellement proches de zéro et que la Fed devrait, à un moment ou à un autre, relever. Le comité de politique monétaire de la banque centrale se réunit mardi 17 et mercredi 18 juin. Il devrait décider de réduire encore de 10 milliards de dollars ses rachats d'actifs mensuels, qui visaient à soutenir l'activité économique. Mais la fin du troisième programme d'assouplissement quantitatif (Quantitative Easing, QE3) approchant, les marchés sont à l'affût du moindre signe sur un possible relèvement des taux. Dans un tel environnement, le FMI insiste sur le risque de volatilité accrue des marchés financiers et des prix dans les mois qui viennent. Mme Lagarde a souligné le caractère crucial de la communication de la Fed dans ce contexte. Elle invite sa présidente, Janet Yellen, à faire davantage de conférences de presse et suggère même la publication d'un rapport trimestriel sur la politique monétaire. Claire Guélaud

mardi 3 juin 2014

BRUXELLES ET LA FRANCE

Bruxelles Bureau européen Dans ses recommandations adressées à la France, la Commission européenne demande plus de détails sur le plan d'économies prévu en 2015 Un satisfecit et de gros doutes. La Commission européenne a salué, lundi 2 juin, la politique économique du gouvernement français, tout en l'encourageant à faire davantage pour concilier assainissement budgétaire et réformes. Les mesures prises dans le cadre du pacte de responsabilité " vont clairement dans la bonne direction ", a déclaré le président de la Commission, José Manuel Barroso, en présentant les recommandations adressées à la France comme aux autres pays de l'Union européenne. Mais le document préparé par ses services n'en est pas moins très insistant. La stratégie budgétaire du gouvernement Valls " n'est que partiellement conforme aux exigences du pacte de stabilité et de croissance ", indique la recommandation. Bruxelles craint de nouveaux dérapages budgétaires pour la France en 2015, année au cours de laquelle elle est censée ramener son déficit sous la barre de 3 % du PIB, alors que la Commission, elle, envisage 3,4 %. Les hypothèses de croissance retenues par Paris " sont légèrement optimistes pour 2015 " : le gouvernement français table sur 1,7 %, là où Bruxelles prévoit plutôt 1,5 %. A cela s'ajoute un montant d'économies pour 2015(21 milliards d'euros) jugé " très ambitieux " et pas assez détaillé. " Le niveau de détail des mesures d'assainissement budgétaire est insuffisant pour garantir de façon crédible la correction du déficit excessif pour 2015 au plus tard ", note la Commission. Celle-ci insiste aussi pour que soient amplifiées les réformes mises sur les rails par François Hollande, afin de renforcer la compétitivité des entreprises françaises et de réduire l'endettement. Elle demande de " fixer des objectifs plus ambitieux pour les dépenses " de santé, de " limiter les coûts des retraites " en se " concentrant sur les régimes spéciaux ", de faire évoluer le smic – qu'elle juge trop élevé – " d'une manière propice à la compétitivité et à la création d'emplois ". " Le contrôle des dépenses des collectivités locales devrait également être renforcé, y compris en plafonnant l'augmentation annuelle des recettes fiscales des collectivités locales tout en mettant en œuvre de façon rigoureuse la réduction prévue des subventions octroyées par l'Etat ", note aussi Bruxelles, alors que François Hollande présente sa réforme des régions françaises. A ce stade, José Manuel Barroso et son équipe n'envisagent pas d'accorder un nouveau délai au gouvernement français, après les deux ans déjà consentis en mai 2013, mais ils n'ouvrent pas, non plus, la porte à d'éventuelles sanctions pour non-respect de la trajectoire définie alors. Du moins, pas à ce stade. Pour eux, il est " encore possible " de tenir le cap des 3 % de déficit d'ici à la fin 2015. Cet " encore possible " a mis du baume au cœur du ministre des finances, Michel Sapin. Dans un communiqué, il " note avec satisfaction que la Commission valide les orientations économiques présentées par le gouvernement dans son programme de stabilité ". La recommandation de la Commission vaut, pour le ministre, reconnaissance du " caractère adapté et ambitieux du plan d'économies du gouvernement ". La décision de Bruxelles n'est pourtant pas un cadeau pour le gouvernement français. En premier lieu, elle semble dictée par la volonté de la Commission sortante de ne pas enfoncer davantage un pilier de l'attelage européen affaibli sur le plan politique et qui peine à sortir de l'atonie économique. L'échéance est en fait un simple report, fixé à novembre, date à laquelle la nouvelle Commission avisera sur la capacité de la France à tenir ses objectifs. Ce qui veut dire que, d'ici là, le gouvernement va devoir précipiter le mouvement de réformes. Pour autant, la Commission sait qu'il lui faut se montrer prudent, alors que le FN a rassemblé près de 25 % des voix aux élections européennes et le PS moins de 14 %, et que la France peine à renouer avec la croissance. Aussi Bruxelles a, cette fois, mis les formes, considérant que le gouvernement français avait déjà accompli une part du chemin. Mais elle invite l'exécutif français à ne pas s'arrêter en route. Il demeure cependant une divergence d'appréciation majeure entre le gouvernement et la Commission. Pour les autorités françaises, le programme de réformes engagé est " strictement " adapté au redressement des comptes publics, à la réduction de la dépense sans mettre en péril le redémarrage de la croissance. Tout en donnant un coup de frein supplémentaire de 4 milliards d'euros aux dépenses dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, qui sera présenté au conseil des ministres du 11 juin, le gouvernement réfléchit à de nouveaux gestes en faveur des ménages modestes. Il est poussé en ce sens par sa majorité, qui souhaite que soient préservées un certain nombre de prestations sociales dont le gouvernement envisageait le gel. Le PS entend aussi que les mesures en faveur des entreprises mises en œuvre dans le cadre du pacte de responsabilité soient déployées par étapes. Or la Commission, elle, pousse à aller plus vite et plus loin. Philippe Ricard et Patrick Roger © Le Monde

Economie, sécurité : l'Europe selon Pierre Moscovici